Choix du sujet
Pour lancer cette première recherche collective, j’ai pris le parti de choisir moi-même le thème parmi ceux évoqués en entretien, en fonction de l’intérêt, de la difficulté du sujet et des ressources disponibles. Dans certains cas, il a tout de même pu être proposé et voté par la classe.
Une fois choisi, j’essaie d’explorer rapidement le thème pour en cerner les contours, les résonances et les potentialités. Je reprends ainsi la méthode déjà évoquée ici : Partir de la vie des enfants, un facteur de motivation intrinsèque
source: le Nouvel Éducateur n°146 – Fév 2003
En voici une autre illustration tirée de l’atelier « démarrer par l’entretien du matin » au congrès ICEM de 2019 :
Note : Pour m’entraîner à développer ce type de lecture des événements, je m’exerce régulièrement à tracer ces cartes après un entretien. Même si je ne suis pas armé pour une exploitation interdisciplinaire sérieuse et réellement ancrée dans tous les programmes, cela permet tout de même d’apprendre à se détacher des simples faits bruts énoncés pendant l’entretien et d’y déceler plus aisément les pistes d’exploitation potentielles.
Des collègues commencent d’ailleurs à développer petit à petit de tels outils dans différents champs disciplinaires.
Préparation de la recherche
Présentation de la démarche aux élèves
J’annonce donc à la classe que nous allons faire une recherche collective qui servira de modèle pour celles réalisées individuellement plus tard dans l’année.
Dans un premier temps, nous nous posons deux questions :
- Où va t-on pouvoir trouver des informations ? (les différents supports) C’est le problème de la méthode et des stratégies de recherche.
- Que doit-on chercher sur notre sujet ? On précise le « besoin d’information ».
Cela prend la forme d’un brainstorming duquel sortiront les sous-questions qui nous permettront de mieux cerner le sujet et d’orienter plus finement la recherche.
Préparation côté prof
Une fois les sous-questions posées, je fais entièrement la recherche de mon côté pour éviter au maximum de patiner pendant cette « séquence » relativement frontale qui nécessite de conserver l’attention du groupe. Le temps m’étant compté, je garde une part importante et contraignante au départ pour structurer au mieux la liberté des tâtonnements ultérieurs. Plus j’en sais en amont donc, plus il sera facile de gérer les aléas de la recherche.
De même et afin de gérer l’imprévu et les cheminements particuliers à chaque classe, j’utilise un tableau sur lequel j’ai inscrit les étapes et grandes notions que je souhaite aborder avec les élèves. Je coche au fur et à mesure que c’est fait.
Des cases blanches sont réservées à l’inscription des notions non anticipées qui seraient abordées par le groupe. C’est un début de « postgrammation ».
J’y laisse également une place pour noter les sources utilisées et une autre pour les remarques ou questions posées pendant la recherche (j’y reviendrai à la fin de l’article).
Préparation côté élèves
Nous commençons donc par une réflexion sur la méthode et sur les sous-questions.
À ce moment, le groupe peut jouer un rôle important :
- De par les connaissances et la culture première de chacun.e, on peut déjà construire des représentations voire élaborer de premières réponses.
- Certain.e.s élèves proposeront peut-être déjà des objets qui pourront éventuellement avoir une valeur documentaire (le stylo présenté, le ticket de la sortie au musée, des galets ramassés…)
- Ou des documents plus formels (une photo prise sur place, une brochure sur la pêche à pied achetée lors d’un voyage…)
Exemple pour la recherche « À quoi ça sert de collectionner? » :
Contexte : entretien pour présenter le stylo plume d’un élève et pour évoquer sa collection.
Pranesh nous a parlé de son stylo à plume bleu de la marque Parker. C’est sa tante d’Inde qui lui a offert, il est très cher.
Pranesh le range dans une boîte qui est dans son tiroir personnel avec les autres stylos de sa collection.
Il en a un autre qui est très lourd et sur lequel il y a des dessins de sport. Il aime beaucoup ces deux stylos car ils sont de sa couleur préférée et qu’il aime les choses élégantes.
Questions :
– Qu’est-ce que tu vas faire avec ta collection ?
– Combien aimerais-tu en avoir ?
– A quoi ça sert une collection ?
– Quel est ton préféré ?
Brainstorming :
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Méthode |
Sous-questions |
| – Trouver des livres documentaires (ceux qui proposent des informations vraies).
– Chercher dans le dictionnaire – Chercher sur Internet – Sur Internet, utiliser un moteur de recherche – Consulter Wikipédia |
– Qu’est-ce qu’une collection ?
– Qu’est-ce qu’on peut collectionner ? – Qu’est-ce qu’on collectionne le plus ? – Pourquoi collectionne t-on ? – Qui collectionne ? |
Apports du groupe :
Plusieurs élèves ont de la famille qui collectionne :
– Dado : les pièces de monnaie
– Salma : les billets de banque
– Jean-Neichak : les sacoches
– Thivani et Ahmed : les jeux vidéo
Nous concluons assez vite à partir de ces connaissances et des premières recherches que collectionner signifie réunir des objets choisis parce qu’ils sont beaux, rares, curieux, anciens ou chers.
La recherche dans les livres :
Après avoir fait le point sur la distinction fiction/documentaire, nous observons la signalétique du CDI et faisons des hypothèses sur les domaines des savoirs pouvant accueillir notre thème. On entre dans la phase recherche de documents tout en effleurant les questions de classification. On gardera des traces de ces observations dans le livre de vie. Plus tard, l’accumulation de tâtonnements et de témoignages singuliers permettra de reconstruire collectivement la Classification Décimale de Dewey.
Nous partons ensuite à la découverte des rayonnages et récoltons ce qui semble utile à notre recherche. Après une courte phase de découverte, nous faisons le point sur les techniques de chacun.e pour s’assurer de la pertinence des livres rapportés et je complète :
- Titre en 1ère de couverture et sur le dos
- Illustrations en 1ère
- Résumé en 4e
- Sommaire
- Index
- Rappel sur le classement alphabétique des mots du dictionnaire, mots-repères etc.
Vient ensuite la phase de lecture de document et d’extraction de l’information. Nous opérons à nouveau un partage sur les stratégies de repérage de la classe et abordons les questions d’organisation spatiale des pages de documentaires (paragraphe introductif, titraille, illustrations et légendes etc.). On évoquera également de façon très succincte quelques stratégies de lecture rapide.
Nous testons toutes ces techniques afin de ne conserver que les documents qui répondent à nos questions et commençons à rédiger les réponses ensemble.
La recherche sur Internet :
Comme avec les livres, nous voyons collectivement comment se débrouiller en ligne. On reste toujours en groupe classe donc tout se passe au TNI.
Nous abordons alors :
- Le fonctionnement d’un moteur de recherche
- La notion de mot-clé
- L’organisation d’une page de site comme vu pour les livres documentaires
On avance ainsi de cette manière en partant des propositions des élèves pour aller assez vite vers des techniques plus éprouvées que j’apporte si nécessaire. Le facteur temps joue ici encore en défaveur d’un tâtonnement plus prononcé.
Au fil des recherches, on évoquera éventuellement :
- Les pièges de la recherche uniquement par les images qui est affectionnée par beaucoup d’élèves.
- Les questions de pertinence des sources (je n’insiste pas encore trop sur la fiabilité s’il n’y a pas de problème flagrant).
- Les stratégies de formulation des requêtes dans le moteur de recherche (utilisation de synonymes, mots de la même famille etc., réinvestissement d’un vocabulaire technique agrégé dans les premières phases de recherche…).
Note : Les équations de recherche sont pour l’instant laissées de côté.
Lorsque toutes nos questions ont trouvé réponse, nous nous attachons à sélectionner deux illustrations. Comme tout au long de la recherche, l’accent est mis sur l’importance de garder en tête notre plan de bataille : les sous-questions.
Il semble important d’insister particulièrement sur ce point car, notamment en situation de recherche (trop) libre et donc non maîtrisée à ce stade, beaucoup d’élèves semblent compenser les difficultés de l’exercice par un retour incessant au thème global perdant ainsi le fil de leur cheminement. Ce « comportement » a tendance à les enfermer dans des généralités et à renforcer les phénomènes de sérendipité puis d’abandon.
Structurer la démarche de recherche par les sous-questions permet ainsi de la sécuriser et de l’étayer à toutes les étapes (récolte, extraction d’info, traitement, recherche d’illustrations etc.).
Finalisation
Nous décidons enfin de quelles réponses méritent le plus d’être illustrées. Il faut à ce moment penser à la réception, aux personnes qui seraient amenées à lire notre travail et qui n’auront pas feuilleté tous ces documents qui auront permis petit à petit d’affiner la représentation que nous avons à présent de notre sujet. Il faudra ainsi trouver des images qui illustrent le texte mais peut-être aussi certaines qui le compléteront, qui apporteront les éléments utiles à la bonne compréhension du lecteur (cartes, schémas etc.).
La feuille d’exposé est enfin réalisée. Avant de coller nos réponses, il reste une étape importante : penser l’organisation de notre feuille. Il faut là encore garder en tête le problème de la réception et donc hiérarchiser nos sous-questions pour décider d’une progression dans la lecture et de l’ordre dans lequel nous allons les disposer.
Pour clôturer le travail, nous notons les sources utilisées, ce qui permet d’aborder le problème de la fiabilité de l’information mais aussi celui du droit d’auteur.
Les questions et remarques :
Durant les séances, des questions ou remarques fusent souvent sans que l’on ne sache trop quoi en faire. Cela nous amène parfois à les considérer comme « parasitaires » car perçues par l’adulte comme étant hors-sujet, chronophages ou vectrices de dissipation notamment sur le plan cognitif. Pour conserver ces remarques ou interrogations parfois légitimes, je les note dans les livres de vie pour les proposer à nouveau au groupe lorsque le moment sera plus opportun.
Parfois cependant, ces remarques sont bien d’utiles compléments à la recherche en cours comme ce fut le cas durant celle sur les collections :
- « Une collection, c’est comme un petit musée » – Ahmed
« Parfois il y a des collections de famille » – Salma
→ On découvre la fonction patrimoniale de la collection. - « Ça peut être une collection d’objets créés, comme des figurines par exemple. »
→ La collection d’art. - « Si on fond des pièces, est-ce qu’on peut gagner de l’argent avec ? »
→ Cette dernière question est liée au fait que nous avons utilisé un livre sur la monnaie durant la recherche mais elle pose eu creux la question de la valeur matérielle des objets collectionnés. - À partir de ces remarques, j’ajoute évidemment mon grain de sel pour les interroger sur la collection de livres qui nous entoure.
Prolongements
Après cette première recherche collective, nous passerons au travail individualisé et aux recherches personnelles. Les sujet seront libres, issus d’un entretien, de problématiques rencontrés jusqu’ici ou simplement proposées spontanément. Une liste de thèmes proposés associés à une colonne « d’où vient cette idée ? » est affichée. On y retrouve notamment les questions et remarques qui étaient à un moment jugées « parasitaires » mais aussi des thèmes connexes à ceux rencontrés depuis le début de l’année (dans les entretiens ou au cours de notre recherche).
Annexes : quelques recherches, de l’entretien à l’exposé collectif
Note : certaines versions sont celles copiées par moi-même.
Exemple 1 : Le coton
Entretien :
Ilyas nous a parlé du coton. C’est une plante qui permet de fabriquer des vêtements. C’est comme de la laine sauf que ça ne vient pas du mouton mais d’un végétal. Ilyas dit qu’il y en a dans la cour à côté de la cantine.
Questions :
– Depuis quand ça t’intéresse ?
– Pourquoi ça t’intéresse ?
Exposé collectif :
Exemple 2 : La « main cassée »
Entretien :
Pendant les vacances, Yusufcan est parti en colonie de vacances pendant deux semaines. Il a joué au foot et il s’est ouvert le pied, s’est fait mal au dos et s’est cassé la main. Il a dû faire une radio et il a eu un plâtre pendant un mois et demi.
Questions :
– Comment t’es-tu blessé ?
– Où es-tu parti ?
– Avec qui es-tu parti ?
– As-tu gagné le match de foot ?
– Tu t’es cassé quoi exactement ?
Exposé collectif :
Exemple 3 : Le bruit de l’avion de chasse
Panneau de l’entretien :
Exposé collectif :
